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La poétique de l'espace

Un silence chargé de souvenirs

 

Car la maison est notre coin du monde. Elle est — on l'a souvent dit — notre premier univers. — Gaston Bachelard, 1957 (p32)

 

Si les intérieurs dépeints par Mickaël Doucet ne sont pas directement peuplés par des figures humaines, ils ne le sont pas moins habités par la trace de leur présence dans l’espace-temps. Quelques crayons de couleur, une radio, un appareil photo, l’existence d’une forme de vie se manifeste à travers ces compositions d’objets, telles les ruines d’un passé ou des possibles futurs, que l’observateur peut lui-même reconstituer ou imaginer. En effet, le jeu des matières, des formes et des lignes, l’horizon que l’on aperçoit au loin, le vide entre les objets sont autant d’éléments qui guident notre regard et invitent à la contemplation. Alors que l’image apparait comme suspendue, figée, les quelques plantes exotiques, l’ombre qui se pose sur le sol, la brise soufflant gentiment sur une veste accrochée sur un cintre nous rappelle à la réalité du temps qui passe.

 

 Nostalgie du gris

 

Ainsi la maison ne se vit pas seulement au jour le jour, sur le fil d'une histoire, dans le récit de notre histoire. Par les songes, les diverses demeures de notre vie se compénètrent et gardent les trésors des jours anciens.  — Gaston Bachelard, 1957 (p32)

 

Mais la série de toiles présentée par Mickaël Doucet va encore plus loin dans la confusion spatio temporelle. En effet, l’artiste introduit, en plus de sa palette colorée habituelle, une technique inédite : le fusain sur huile sur toile. Le contraste entre couleur et nuances de gris, architecture industrielle et architecture contemporaine soulève alors une nouvelle ambivalence. Lorsqu’on s’en approche, la texture du fusain sur la toile rappelle le grain de la photographie argentique dont le caractère est bien connu pour soulever, chez son observateur, un sentiment de nostalgie. Par ailleurs, un tel procédé photographique invite généralement celui qui capture l’image à prendre son temps, attendre la lumière idéale, à trouver l’angle parfait pour que l’image captée par l’appareil soit harmonieuse et c’est finalement ce que Doucet réussi à faire avec ses peintures. Ce n’est pas une coïncidence si l’artiste s’intéresse tout particulièrement au Japon, réputé pour sa culture zen et ses intérieurs minimalistes. Le design n’est-il pas après tout la quête de l’harmonisation de l’environnement humain ? Pour Gaston Bachelard le poète est celui qui est capable de créer des images qui déclencheront en nous, lecteurs, un retentissement, parce que ses images touchent à notre primitivité, à nos origines. L’oeuvre picturale de Mickaël Doucet est bien celle d’un poète,. Elle est une invitation à la pause, une méditation, une sorte d’interruption, une respiration nous faisant prendre le temps de ressentir ce que c’est réellement qu’être vivant.

 A silence laden with memories

 

 

For our house is our corner of the world. As has often been said, it is our first universe.  — Gaston Bachelard, 1957 (p32)

 

Although the interiors depicted by Mickaël Doucet are not directly populated by human figures, they are no less inhabited by the trace of their presence in space-time. Some colored pencils, a radio, a camera: the existence of a form of life manifests itself through these compositions of objects, like ruins of a past or possible futures, which the observer can himself reconstitute or imagine. Indeed, the interplay of materials, shapes and lines, the horizon that can be seen in the distance, the emptiness between objects are all elements that guide our gaze and invite contemplation. While the image appears suspended, frozen, the exotic plants, the shadows on the ground and the breeze gently blowing on a jacket hanging on a coat hanger remind us of the reality of time passing.

 

Longing for grey

 

Thus the house is not experienced from day to day only, on the thread of a narrative, or in the telling of our own story. Through dreams, the various dwelling-places in our lives co-penetrate and retain treasures of former days. — Gaston Bachelard, 1957 (p. 33)

 

But the series of paintings presented by Mickaël Doucet takes the space-time confusion even further. In addition to his usual color palette, the artist introduces a new technique: charcoal on oil on canvas. The contrast between color and shades of gray, industrial architecture and contemporary architecture raises a new ambivalence. On closer inspection, the texture of the charcoal on the canvas recalls the grain of silver photography, whose character is well known to arouse a sense of nostalgia in its viewer. What's more, such a photographic process generally invites the person capturing the image to take his time, wait for the ideal light, find the perfect angle so that the image captured by the camera is harmonious, and this is ultimately what Doucet succeeds in doing with his paintings. It's no coincidence that the artist is particularly interested in Japan, renowned for its Zen culture and minimalist interiors. After all, isn't design the quest to harmonize the human environment? For Gaston Bachelard, the poet is the one who is able to create images that will resonate with us, the readers, because his images touch on our primitiveness, our origins. Mickaël Doucet's pictorial work is indeed that of a poet. It's an invitation to pause, a meditation, a kind of interruption, a breath that lets us take the time to feel what it's really like to be alive.

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